La reconversion, parent pauvre des politiques d…
La course mondiale vers le déploiement de la 5G s’accélère. En avril 2019, les géants des télécommunications SK Telecom, KT et LG U+ ont donné le coup d’envoi en Corée du Sud,...
La course mondiale vers le déploiement de la 5G s’accélère. En avril 2019, les géants des télécommunications SK Telecom, KT et LG U+ ont donné le coup d’envoi en Corée du Sud, qui devient ainsi le premier pays à faire profiter officiellement ses habitants de la 5G[1], talonné par les Etats-Unis où les déploiements ont déjà commencé dans plusieurs grandes villes, mais de façon très fragmentée. En Europe, les expérimentations et les essais se multiplient pour un déploiement commercial à horizon 2020.
Cette course de vitesse témoigne de l’aspect stratégique de la 5G, qui au-delà d’une simple évolution du haut débit mobile, constitue un levier clé pour accompagner la numérisation des industries, ouvrir de nouvelles perspectives d’innovation dans des secteurs très variés (énergie, santé, industrie, transport, etc.) et soutenir l’essor des nouvelles technologies, principalement l’Internet des Objets, qui exigent une faible latence.
Selon les prévisions de GSMA intelligence, le nombre de connexions IoT est amené à atteindre 25,2 milliards en 2025[2]. Cette croissance contribuerait massivement au développement et au déploiement du réseau 5G. En effet, les objets connectés devraient représenter un quart des 41 millions de connexions cellulaires au réseau 5G à l’échelle globale d’ici 2024[3].
L’avènement de la 5G permettra non seulement de fournir un débit jusqu’à 10 fois supérieur à la 4G mais également de franchir un nouveau palier dans le niveau de connectivité notamment pour les objets connectés. Avec une latence divisée par 10 et une densité de connexion qui permettra de multiplier par 10 le nombre d’objets connectés au réseau simultanément[1], la 5G ouvre de nouvelles perspectives pour l’IoT. Ces nouveaux paramètres changent la donne : des usages critiques nécessitant une fiabilité à la milliseconde seront permis. De plus, des communications de masse ultra fiables et à très faibles latences seront désormais envisageables et contribueraient à renforcer la performance des objets connectés et diversifier les usages potentiels dans des secteurs variés allant de l’industrie à la Smart City en passant par les médias.
Par ailleurs, la 5G devrait apporter une plus grande interopérabilité entre les objets connectés pour qu’ils puissent communiquer entre eux de manière instantanée et sécurisée. Actuellement, plusieurs technologies de connectivité et protocoles existent (3G, 4G, Wifi, mais aussi Sigfox, LoRa,…). Or, chaque technologie au travers de ses caractéristiques propres répond à des cas d’usages particuliers. Ainsi, à chaque cas d’usage se posera la question du choix de la technologie de connectivité. Cependant, ce choix multiple présente l’inconvénient d’une absence d’interopérabilité entre les technologies et de la potentielle non pérennité de celles-ci.
La 5G intègre nativement l’IoT au travers de nombreuses innovations (NB-IoT, LTE-M, Small Cells[2], RSMA...) et devrait donc participer à la standardisation des solutions utilisées. Des standards complémentaires permettant d’adresser les besoins de l’IoT (Le NB-IoT - NarrowBand-IoT- et le LTE-M – Long Term Evolution Mobile ou eMTC-enhanced Machine-Type Communications-) sont intégrés directement au standard 5G, l’architecture réseau 5G permettant une interopérabilité avec les différentes technologies. Par ailleurs, en décembre 2017, le 3GPP a défini les premiers standards 5G non-standalone, afin de permettre les expérimentations en utilisant un cœur de réseau 4G. Et depuis juin 2018, de nouveaux standards, dits standalone, plus complets ont été définis et permettront aux opérateurs de déployer à grande échelle de la 5G avec un cœur de réseau propre[3]. Cette normalisation constitue un élément crucial pour le déploiement d’une 5G uniformisée à l'échelle mondiale.
Compte tenu de la densité colossale d’objets qui seront connectés au réseau 5G, les risques d’attaques et de vulnérabilités se multiplient. Le besoin de sécurité, de protection des données et de confiance sera donc aussi fort que pour la 4G.
La Blockchain et l’IoT sont deux technologies très pertinentes à associer pour des cas d’usages nécessitant de mesurer, stocker et partager de manière fiable et sécurisée des données.
En effet, de par son caractère immuable, la blockchain semble être un outil prometteur pour répondre aux défis de sécurisation des objets connectés. Toute transaction effectuée entre objets connectés sera chiffrée, enregistrée et infalsifiable. La sécurité sera ainsi renforcée tout au long de la chaîne de valeur de l’IoT notamment grâce à la vérification et à la validation de l’identité de chaque objet connecté, ce qui permet une meilleure authentification des points d’émission et de réception et l’identification des tentatives d’accès non autorisé.
Par ailleurs, alors même que le nombre d’objets connectés accroît de manière exponentielle, l’organisation décentralisée de la blockchain faciliterait la gestion des transactions et du trafic sur le réseau via la mise en place de smart contracts qui permettraient aux objets connectés de communiquer entre eux, pour collecter et échanger les données de manière autonome. Ainsi, toutes les interactions réparties sur la blockchain seraient orchestrées de manière plus simplifiée et plus efficace.
Traditionnellement les réseaux 2G et 3G se basaient sur des équipements réseaux qui devaient être configurés de façon individuelle. L’arrivée de la 4G et du SON (Self Optimizing Network) a permis une meilleure gestion du réseau en minimisant le taux de panne et en améliorant les performances du réseau. Le réseau 5G, déployé à date, s’appuie sur une architecture cœur similaire à la 4G et donc bénéficie de cette optimisation autonome pour l’équilibrage de la charge ou l’économie d’énergie.
A la cible, le réseau cœur de la 5G est décentralisé. L’enjeu majeur est de réconcilier entre la réservation des nœuds des réseaux, les abonnés et les terminaux utilisés pour assurer d’une manière dynamique une qualité de service négociée en temps réel.
Une blockchain faciliterait l’organisation des nœuds entre eux et la négociation des accords de service sous forme de contrats intelligents numériques (smart contracts). En effet, un organe central tiers de confiance pourrait avoir des difficultés d’adaptation si les nœuds évoluent rapidement et la synchronisation du réseau pourrait être plus rapide avec un réseau blockchain. La synchronisation des équipements 5G doit s’effectuer sur plusieurs niveaux :
Les négociations pair-à-pair au niveau du réseau réduiront davantage la latence du réseau avec une prise de décision rapide au profit d’une meilleure gestion du réseau et un meilleur service pour l’utilisateur final.
La blockchain favoriserait de nouveaux business models entre les fournisseurs de services et les opérateurs du réseau pour négocier le meilleur service au meilleur tarif.
Elle permettrait également d’éviter que des pirates puissent manipuler le réseau à l’aide d’appareils malveillants, en sécurisant les transactions et les nœuds réseaux.
Depuis son introduction dans les années 2000, le partage d'infrastructure entre opérateurs s'est largement répandu. Les premiers accords de partage d'infrastructure, introduits notamment en Europe, étaient tout d'abord une manière de répartir le coût du lancement de la 3G dans les zones dites peu accessibles. La mise en commun de couches matérielles du réseau permettait ainsi d'amortir plus aisément le coût d'investissement. Depuis, nous avons assisté à une hausse importante du nombre d'accords de partage d'infrastructures, ce qui a permis une réduction des coûts de possession matérielle de près de 30%[4].
De la même façon, avec l’arrivée de la 5G, les opérateurs sont à la recherche d’un moyen d’accélérer les déploiements sans pour autant faire face à des investissements dissuasifs. Une étude de McKinsey estime que le coût de déploiement de petites cellules pourrait être réduit jusqu’à 50% si trois acteurs partagent le même réseau[6].
Dans ce cadre-là, il est difficilement envisageable de voir les opérateurs effectuer des déploiements autonomes plutôt que de partager un réseau commun avec la concurrence.
En effet, le réseau 5G se prête parfaitement au partage des équipements. Chaque équipement du réseau 5G est piloté au niveau logiciel et non pas matériel, ce qui permet la virtualisation totale du réseau et le partage entre les différents opérateurs de chaque équipement. Pour éviter de mettre en place un système de refacturation, il est possible de tokeniser[7] les ressources ce qui permettra une facturation automatique et en temps réel.
Cette tokenisation se ferait via la mise en place d’un smart contract[8]. L’entreprise propriétaire de l’équipement émettrait une certaine quantité de jetons, correspond à l’utilisation d’une plage de fréquences données sur un équipement identifié. À chaque fois qu’une autre entreprise souhaitera utiliser cet équipement, elle pourra acheter des jetons et la location de l’équipement sera automatiquement activée.
La 5G au service des sidechains
Une sidechain est un réseau de transactions qui se connecte à un réseau blockchain, comme Lightning Network[10] pour Bitcoin ou Plasma[11] pour Ethereum. L’objectif est de pouvoir effectuer davantage de transactions que sur un réseau blockchain tout en bénéficiant de la sécurité de la blockchain. Les sidechains sont essentielles pour démocratiser l’utilisation des technologies blockchain et élargir leur utilisation au-delà des transactions financières et des smart contrats basiques. Les sidechains nécessitent un important débit, du fait de la grande quantité de données qui circule sur ces réseaux, et du fait des multiples connexions reliant les noeuds entre eux. Afin d’assurer la sécurité des transactions sur une sidechain, une connexion Internet permanente et avec une faible latence sont également nécessaires. La 5G permettra d’atteindre ces objectifs, notamment pour les objets connectés.
La blockchain est encore une technologie peu mature et de nombreuses problématiques doivent être résolues avant de pouvoir être utilisée dans un système 5G. La plus grande problématique est la quantité de données limitée que peut traiter un réseau blockchain. C’est pour cela qu’il est préférable d’utiliser un réseau blockchain privé pour les transactions entre les nœuds du réseau et se servir des sidechains pour les objets connectés.
Une série de défis est à résoudre, notamment la scalabilité de la solution blockchain et les longs délais de confirmation des transactions qui sont à améliorer.
La 5G est également une technologie en développement et il est difficile d'anticiper la manière dont le réseau va évoluer ainsi que les usages qui en seront fait. Dans un futur proche, il est possible d’avoir une augmentation exponentielle du nombre d’objets connectés, et ces objets pourront communiquer et interagir entre eux automatiquement et en temps réel. Aucun outil ne permet aujourd’hui de bien comprendre tout ce que cela impliquerait.
Enfin, la 5G et la blockchain sont deux technologies qui ont émergé dans des cadres différents et qui n’ont pas été pensées en amont pour être utilisées ensemble. Des expérimentations doivent être menées pour démontrer le potentiel de combiner la 5G et la Blockchain.
[1] 5G : apports et nouveaux usages
[2] Micro antennes placées en zones denses et connectées à des antennes principales. Ces small cells permettent d’émettre des ondes à haute fréquence en limitant les interférences. En effet, grâce à la multiplication des small cells, les ondes millimétriques ne se heurteront plus à des obstacles et seront donc totalement efficientes. De plus, le nombre d'utilisateurs par antenne diminue ainsi que la saturation du réseau.
[4] Mutualisation des réseaux pour une couverture territoriale : quels coûts ?
[5] l'infrastructure peut-être soit détenue par une entreprise de gestion (TowerCo et Open Access), soit partagée au niveau du pylône (Passive sharing), ou partagée au niveau de la bande passante (MORAN et MOCN)
[6] McKinsey : 5G a turning point for lone riders
[7] représentation numérique d’un actif sous forme de jeton échangeable sur un réseau blockchain
[8] un algorithme s'exécutant sur un réseau blockchain avec des paramètres définis à l’avance, connus de tous et infalsifiables, permettant la mise en place de contrats sécurisés sans tiers de confiance.