La reconversion, parent pauvre des politiques d…
La santé et la sécurité des collaborateurs est un thème incontournable de la RSE sur le volet social.
Si toutes les entreprises du CAC 40 communiquent abondamment sur ce sujet, doit-on y voir systématiquement le signe d'un engagement fort et réel ou un moyen de masquer, dans la masse des informations communiquées, des lacunes dans certains champs d'actions de la santé et sécurité au travail ?
Le contexte réglementaire relatif à la santé, la sécurité et la qualité de vie au travail est sous-tendu en 2013 par le renforcement de la jurisprudence autour de l'obligation de résultat incombant à l'employeur. Ce faisant, l'évaluation des risques traditionnellement portée en France par le Document Unique[1] est prolongée en 2013 par l'incitation à la négociation sur la Qualité de Vie au Travail (ANI du 19 juin 2013) et la création du Compte Personnel de Prévention de la Pénibilité (Loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014, prévue fin 2013). La prévention des risques psychosociaux fait quant à elle l'objet d'une injonction à la négociation pour toute entreprise de plus de 1000 salariés depuis le Plan Darcos 2009.
Au-delà de ces seules réformes thématiques se dessine pour les entreprises du CAC40 la nécessité de repenser le champ hygiène, sécurité, conditions de travail autour de la notion, plus large, de qualité de vie au travail.
Au-delà de ces seules réformes thématiques se dessine pour les entreprises du CAC40 la nécessité de repenser le champ HSCT autour de la notion de qualité de vie au travail.
Pour évaluer la communication des entreprises en la matière, 4 thèmes ont été étudiés :
Les biais méthodologiques identifiés depuis 2011 persistent : les indicateurs retenus pour mesurer l'absentéisme (taux d'absentéisme ou autre indicateur), le périmètre d'analyse (tout ou partie des entités du Groupe) et le type d'absences pris en compte varient toujours fortement entre les entreprises.
Sur le volet social, l'absentéisme demeure le principal thème pointé du doigt par les commissaires aux comptes dans leurs rapports 2014 sur les informations sociales, environnementales et sociétales des rapports de gestion 2013 [3]. Les anomalies identifiées concernent les modalités de calcul du taux d'absentéisme ou l'absence d'information sur l'ensemble des périmètres Groupe, du fait notamment des réglementations nationales divergentes en matière de comptabilisation de l'absentéisme.
S'il est donc difficile de comparer les différentes entreprises entre elles, il est toutefois possible d'analyser la tendance par entreprise d'une année à l'autre. Sur les 18 entreprises communiquant le taux d'absentéisme Groupe depuis 2011, les situations sont très contrastées. A peine plus de la moitié des entreprises ont vu leur taux d'absentéisme baisser entre 2011 et 2013, confirmant ainsi la tendance observée l'an dernier. Si, globalement, les entreprises du CAC 40 arrivent tout de même à maitriser les évolutions de leur taux d'absentéisme, elles sont encore 3 en 2013, à voir leur taux d'absentéisme augmenter de plus de 0,5 point en un an, sans qu'aucun plan d'action ne soit présenté pour lutter contre ce phénomène.
La communication des entreprises varient fortement sur les six champs d'action majeurs de la santé et sécurité identifiés.
La sécurité et l'absentéisme (incluant les accidents du travail et les maladies professionnelles) restent les deux thématiques incontournables pour les entreprises du CAC 40, la sécurité et la santé physique des collaborateurs étant un impératif pour les entreprises. Le contexte réglementaire strict et des obligations fortes en matière de communication RSE sur ces deux volets justifient également l'importance de la communication sur ce sujet.
La prise en compte des problématiques plus globales de santé au travail se développent. En 2013, elles sont une fois et demie plus nombreuses qu'en 2012 à communiquer sur les RPS. La notion de « Qualité de Vie au travail » fait quant à elle une entrée remarquée dans la communication institutionnelle, non sans lien avec la parution de l'ANI.
Enjeu majeur en termes de santé au travail [4], il est étonnant de constater que seule la moitié des entreprises du CAC 40 communiquent sur les Troubles Musculo-Squelettiques (TMS). Bien que liés à la fois à des facteurs de risques biomécaniques et psychosociaux, les mesures avancées se focalisent majoritairement sur l'ergonomie du poste de travail, via la formation aux gestes et postures, l'investissement en matière de matériel ergonomique ou la création de poste d'ergonome afin de suivre les programmes en place permettant de prévenir les TMS.
Grand absent de la communication RSE : la pénibilité. Malgré les obligations légales concernant la négociation ou l'élaboration d'un plan d'action sur le sujet [5], moins d'un tiers des entreprises du CAC 40 communiquent sur ce thème.
Malgré l'obligation de communiquer le bilan des accords signés avec les organisations syndicales ou les représentants du personnel en matière de santé et de sécurité au travail[3], la moitié des entreprises ne communique sur aucun des 4 champs d'action identifiés, ou de manière trop floue pour que les accords puissent être clairement identifiés. Aucune entreprise ne communique également sur la signature d'accord sur l'ensemble des champs d'action.
Les risques psychosociaux sont en 2013, le principal champ de négociation affiché. Avec l'incitation à la négociation sur la Qualité de Vie au Travail, les entreprises du CAC 40 privilégient un cadre de négociation unique sur ces deux volets : sur les 10 entreprises communiquant sur la négociation relative à la Qualité de Vie au Travail, les deux tiers d'entre elles traitent désormais RPS et QVT au sein d'un accord commun. La négociation sur la mise en place du télétravail reste encore peu mise en avant par les entreprises, comme levier d'amélioration de la QVT.
Devant la pluralité des définitions proposées, nous retenons ici l'émergence d'un consensus autour de la position présentée par EDF : « La qualité de vie au travail (« QVT ») recouvre l'organisation du travail, les relations au travail, le développement professionnel, les environnements de travail et les équilibres de vie. » Certaines entreprises plus volontaristes font de la QVT un levier de performance collective (Arcelor Mittal) ou de confiance de l'actionnariat, à l'instar d'Airbus qui place la santé et la sécurité au coeur de son programme stratégique 2013 [6]. S'opère alors un glissement sémantique, de la prévention des risques psychosociaux majoritairement orientée sur la lutte contre le stress à la QVT.
En 2013, 32 % des entreprises déclarent mettre en oeuvre des mesures d'accompagnement des collaborateurs en souffrance, ou prévention tertiaire[7]. La généralisation des lignes d'écoute ou assistance psychologique semble répondre à la banalisation des actes de violence liés au contact avec le public (harcèlement en chambre pour Accor, braquage en secteur bancaire ou agression en grande distribution).
De la même manière, la prévention par la formation ou la sensibilisation des collaborateurs, prévention secondaire, représente un incontournable de la communication pour 93% du panel. Les formations « gestes et postures » et « gestion du stress et management » font l'objet d'abondantes descriptions.
Au fondement des politiques de prévention, les mesures visant à « Assurer à ses collaborateurs des conditions de travail qui ne présentent pas de risques pour la santé » (Air Liquide) ou prévention primaire restent moins représentées. Ainsi, seules 32% des entreprises orientent leur réflexion sur l'organisation du travail au sens large et 46% sur l'aménagement des postes de travail. Cette tendance traduit la difficulté des entreprises à proposer une politique d'amélioration de la QVT de bout en bout, de l'élimination du risque psychosocial ou trouble musculo-squelettique à l'instauration d'un cadre de travail favorable à l'épanouissement professionnel.
Au premier rang des mesures emblématiques, l'organisation des temps de travail pour un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée se généralise. A l'instar de Carrefour, membre de l'observatoire de la Parentalité et ses horaires en « ilots » sur les surfaces de vente, de Michelin ou de Kering, les initiatives pour promouvoir l'exercice de la parentalité et la flexibilité du temps de travail sont légion.
Au-delà des mesures de prévention mises en oeuvre, certaines entreprises se distinguent par la consistance de leur système de management. L'instauration d'observatoires dédiés concerne ainsi 22 % du panel. Tout à la fois cellule de veille et instance paritaire, l'observatoire permet d'orienter les efforts et d'approfondir la connaissance en matière de santé au travail. Citons ici EDF et son étude sur le lien entre organisation du travail et absentéisme ou Renault et son système de dépistage du stress et de l'anxiété.
Pour d'autres entreprises, la QVT s'inscrit naturellement dans les objectifs stratégiques (Airbus) ou les politiques de rémunération des managers (Alstom, GDF Suez) et se décline au quotidien par des systèmes de reporting élaborés (Legrand, ST Mircroelectronics), des objectifs chiffrés (Arcelor Mittal) et des visites de terrain obligatoires pour les managers (Arcelor Mittal) ou les membres du COMEX (Véolia).
Petit étonnement, seulement un tiers des entreprises communiquent sur leur CHSCT, pourtant instance dédiée à la sécurité et l'amélioration des conditions de travail.
En lien avec l'avènement de la société numérique, le télétravail constitue à la fois une opportunité financière et une mesure d'amélioration des équilibres entre vie professionnelle et vie privée en pleine expansion. Encadré par la loi du 22 mars 2012, le télétravail séduit 20 % des entreprises au travers de dispositions variées dont le nomadism, de l'entité CACEIS du Crédit Agricole, les shared worspaces et free seating de BNPP ou les 42% de collaborateurs travaillant à distance au moins un jour par semaine pour Alcatel Lucent.
Autre tendance de fond : le retour d'un certain paternalisme autour des politiques de bien-être au travail, centrées sur l'épanouissement du collaborateur dans sa vie personnelle et non plus professionnelle. Ainsi, 56% des entreprises proposent à leurs collaborateurs des actions d'information, de dépistage ou de soin : Cancer, VIH, maladies tropicales, lutte contre le tabac ou conseils nutrition...jusqu'aux cours de yoga et massages. Très volontariste dans ce domaine, Arcelor Mittal réaffirme le lien entre politique de prévention à la source et baisse des dépenses sociales liées à la santé. De même, Danone déploie un programme de couverture sociale mondiale, Dan'Care, sur l'ensemble de ses filiales.
Cet article a été écrit dans le cadre de l'étude comparée de la publication des Groupes du CAC 40 en matière de Responsabilité Sociale d'Entreprise, réalisée chaque année par Sia Partners. Elle vise deux objectifs majeurs : d'une part, analyser la qualité de la communication RSE réalisée par les entreprises, et leur niveau d'implication sur cette problématique ; d'autre part mesurer le degré de maturité des entreprises en matière de RSE, sur 5 thématiques du volet « Social ». La version 2014 de l'étude RSE Sia Partners est disponible sur demande à l'adresse : rse@sia-partners.com
[1] Art. R. 4121-1 et suivant du Code du Travail et circulaire DRT n°6 du 18 avril 2002 prise pour l'application du décret de création du Document Unique
[2] Mesure du nombre de jours d'absence, ou journées de travail perdues telles, exprimée en pourcentage du nombre total de jours de travail, initialement prévu, de l'effectif sur la même période
[3] Obligation portée par le Décret n° 2012-557 du 24 avril 2012 relatif aux obligations de transparence des entreprises en matière sociale et environnementale
[4] Selon l'INRS, les TMS représentent plus de 80 % des maladies professionnelles du régime général reconnues en France
[5] Les entreprises d'au moins 50 salariés (ou appartenant à un groupe d'au moins 50 salariés) doivent être couvertes par un accord ou un plan d'action de prévention de la pénibilité, si au moins 50 % de leur effectif est exposé à un ou plusieurs facteurs de pénibilité (Article L138-29 du Code de la Sécurité sociale)
[6] Good health and safety management is key for employee engagement, talent recruitment and retention, efficient and consistent production, and stakeholder confidence
[7] En matière de politiques de prévention trois niveaux sont différenciés :la prévention primaire ayant pour finalité d'éliminer les risques à la source, la prévention secondaire ayant pour but de protéger les agents en les aidant à faire face à l'exposition aux risques, et la prévention tertiaire, curative, permettant de réduire les troubles dus à des risques que l'on a pas su ou pu éviter