La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Le passage d’une gestion du risque à une démarche proactive, tendance identifiée lors de l’étude RSE 2015, se confirme cette année.
Après avoir élargi le sujet de la santé et de la sécurité au champ des risques psychosociaux (RPS) puis à la qualité de vie au travail (QVT), les entreprises sont entrées dans une phase de consolidation des champs d’action en la matière.
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La présence quasi-systématique des sujets de santé, sécurité et qualité de vie au travail dans les matrices de matérialité témoignent de la reconnaissance du sujet comme une priorité à adresser par les entreprises.
Plus spécifiquement, du fait des obligations légales en la matière, et des attentes importantes des parties prenantes sur ces sujets, les champs d’action de la santé et de la sécurité sont identifiés comme des enjeux prioritaires pour 14 des 19 entreprises formalisant leur matrice de matérialité. Sans surprise, les entreprises qui positionnent ces sujets comme étant prioritaires sont des entreprises industrielles, pour lesquelles les risques professionnels relatifs à la sécurité sont les plus importants.
Quant à la qualité de vie au travail, 8 entreprises en font mention, utilisant d’ailleurs des terminologies différentes pour la qualifier[2] (qualité de vie au travail, qualité de vie professionnelle, bien-être au travail). Publicis va jusqu’à associer la qualité de vie au travail au développement de ses collaborateurs - « le bien-être des salariés et leur évolution professionnelle »-, ce qui confirme la reconnaissance de l’impact de ces mesures sur la performance des collaborateurs et, a fortiori, de l’entreprise.
Concernant les entreprises qui ne mentionnent pas la SST dans leur matrice de matérialité, Unibail sort son épingle du jeu. En effet, l’entreprise ayant déjà réalisé de grandes avancées dans ce domaine, la santé-sécurité n’est plus un enjeu à traiter en priorité mais est entrée dans la culture d’entreprise.
Les entreprises n’ayant pas affiché de matrice de matérialité dans leur document de référence s’engagent néanmoins majoritairement sur le sujet, à l’instar de BNP Paribas dont l’un des 12 enjeux est « Good place to work et gestion responsable de l’emploi ».
Comme les deux années précédentes, la sécurité et l’absentéisme restent les thèmes incontournables de la communication SST. Les entreprises du CAC 40 continuent néanmoins à s’ouvrir de plus en plus sur des sujets plus larges de la SST, et notamment sur les Troubles Musculo-Squelettiques (TMS) et la Qualité de Vie au Travail (QVT).
Si la progression reste mesurée sur la thématique des TMS, elle n’en est pas moins encourageante. Les entreprises prennent de plus en plus conscience de l’importance de réfléchir sur l’ergonomie des postes de travail, notamment dans le cadre des chantiers de réorganisation des espaces de travail. Bouygues Télécom a à ce titre intégré une réflexion sur l’adaptation des positions de travail à l’usage qui en est fait, dans le cadre de son projet d’espaces de travail innovants et collaboratifs.
La Qualité de Vie au Travail, quant à elle, rivalise désormais avec la Sécurité dans la communication SST, la présence de ce thème dans la documentation de référence ayant plus que doublé en 2 ans. Cette tendance témoigne d’un souhait croissant des entreprises d’aborder la santé au travail de manière holistique, s’affranchissant des logiques en silo, souvent liées aux obligations légales en matière de SST (pénibilité, RPS). Rien d’étonnant à ce que la communication sur ces deux derniers sujets décline cette année, au profit d’une communication plus large sur la QVT.
L’avènement de la QVT dans les entreprises du CAC 40 se matérialise notamment par trois types d’initiatives : la formalisation des ambitions des entreprises en matière de QVT, la sensibilisation des collaborateurs, et la gouvernance en matière de QVT. Le développement de la formalisation des ambitions des entreprises en matière de QVT se concrétise par la signature d’accords ou de chartes de la QVT, dont le périmètre s’étend progressivement de plus en plus à l’international, signe du succès des expérimentations au niveau local. A titre d’exemple, en 2015, la santé, la sécurité et la qualité de vie professionnelle forment le premier axe des engagements de Kering dans le cadre de l’accord européen signé le 19 février 2015 avec le Comité d’Entreprise Européen du Groupe. Concernant la sensibilisation des collaborateurs à la QVT, outre le renforcement des actions de formation classiques (un quart des entreprises communique sur la mise en place de formations liées à la QVT en 2015), certaines entreprises privilégient des démarches participatives permettant à la fois de favoriser la portée du message sur la QVT et de recueillir les attentes des collaborateurs sur les chantiers prioritaires à adresser. Enfin, la gouvernance en matière de QVT se renforce, via le développement de comités QVT dédiés en charge de piloter les actions mises en œuvre sur le sujet. En effet, si, jusqu’à récemment, la gouvernance liée à la SST se concentraient principalement sur les sujets d’hygiène et de sécurité, via l’animation des réseaux de correspondants HSE, elle s’ouvre désormais à des sujets plus larges de la SST, et notamment la QVT. Accor a à ce titre mis en place en 2015 un comité dédié à la QVT, « FeelingWell@Work », ayant pour objectif d’initier des actions et d’en assurer le suivi, mais aussi de fédérer les collaborateurs sur le sujet, et d’être un espace d’échange et de réflexion.
Malgré l’investissement affiché des entreprises sur des actions de prévention des risques professionnels et d’amélioration de la Qualité de Vie au Travail, les entreprises du CAC 40 peine à infléchir la courbe de l’absentéisme. Sur les 15 entreprises communiquant cet indicateur depuis 2011, l’absentéisme a augmenté pour 80% d’entre elles entre 2014 et 2015. Plus inquiétant encore, pour un tiers d’entre elles, le taux d’absentéisme a augmenté de plus de 0,30 point depuis 2011. Comme l’an dernier, Total reste la seule entreprise à voir son taux d’absentéisme diminuer chaque année, depuis 2011.
Dans la lignée de 2015, le télétravail poursuit son expansion avec 24 entreprises qui en font mention cette année, contre 17 en 2015. Par ailleurs, les entreprises qui avaient déjà adopté cette pratique continuent sur cette voie en renforçant son utilisation et en l’étendant à d’autres pays (Renault étend le télétravail à la Roumanie et l’Argentine) ou à d’autres métiers (la Société Générale a ainsi triplé le nombre de télétravailleurs par rapport à 2014). Outre le fait que cette démarche facilite la conciliation entre vie privée et vie professionnelle, elle s’inscrit plus largement dans une logique de recherche d’agilité dont font preuve de plus en plus d’entreprises. En effet, nombre d’entreprises repensent leurs modes de travail afin de permettre plus de souplesse et de favoriser l’innovation. Parmi les entreprises les plus investies sur le sujet, retenons la charte sur l’agilité d’Axa, approuvée par le Comité Exécutif du Groupe, ou la possibilité chez Valéo pour un collaborateur d’aller travailler sur un autre site, si celui-ci est plus proche de son domicile. Cette réorganisation des modes de travail passe immanquablement par une réorganisation des espaces de travail. Ainsi, de nombreuses entreprises ont initié des projets de réorganisation des espaces. Décloisonnement, mise à disposition d’espaces de créativité, cellules de coworking ou encore bureaux partagés sont autant de dispositifs qui émergent aujourd’hui pour répondre à ces besoins d’innovation et de qualité de vie au travail. Des projets immobiliers de grande envergure ont ainsi vu le jour, à l’instar de Bouygues qui a ouvert deux nouveaux sites en Ile-de-France pour « travailler autrement » mêlant bureaux fixes et collaboratifs, salles créatives et espaces calmes … Il y a fort à parier que la réorganisation des espaces de travail occupera une place prépondérante dans la réflexion des entreprises dans les années à venir.
Face à l’ouverture des champs d’action SST, la tendance à la diversification des approches sur le sujet se confirme, les entreprises privilégiant soit les approches QVT (centrées sur le travail) soit les approches bien-être (centrées sur les collaborateurs et la contribution sociale).
La consolidation et l’élargissement des dispositifs de QVT ouvrent également de nouvelles possibilités aux collaborateurs qui sont encouragés à devenir forces de proposition et acteurs de leur qualité de vie au travail. De nouvelles modalités d’implication des collaborateurs verront sans doute le jour, exacerbées par les nouveaux outils à disposition et le digital.
Enfin, bien que, depuis deux ans, la communication sur la pénibilité décline, le compte personnel de prévention pénibilité – entrant en vigueur au 1er janvier 2017 – augure une recrudescence de cette thématique dans les préoccupations des entreprises.
[1] : Du fait de l’hétérogénéité des modèles de matrices de matérialité utilisées, le modèle retenu est celui le plus répandu parmi les entreprises. Pour les entreprises ayant plusieurs enjeux relatifs à la SST représentés dans leur matrice, une moyenne du positionnement desdits enjeux est représentée dans la synthèse. Le nombre d’enjeux est indiqué à la suite du nom de l’entreprise si celui-ci est supérieur à 1.
[2] Cette variété de la terminologie avait déjà été relevée dans le cadre de l’étude RSE 2015
[3] La diminution du nombre d’entreprises communiquant sur la sécurité est liée uniquement à des effets périmètres dûs aux évolutions des entreprises constituant le CAC 40.