La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Loin d'être un effet de mode, les centres de services partagés (CSP) ont beaucoup évolué au cours de ces dernières années jusqu'à devenir presque ordinaires dans le paysage organisationnel des entreprises françaises.
Historiquement axés sur les processus financiers tels que la comptabilité fournisseurs ou encore la comptabilité générale, les CSP ont connu un tel essor qu'ils se sont étendus à d'autres fonctions.
La fonction RH est parmi celles qui ont rapidement adopté le concept dans une logique d'harmonisation des processus, notamment pour le recrutement. Même si les gains attendus en termes de réduction de coûts peuvent paraître au premier abord très alléchants, la transposition de ce dispositif au processus de recrutement est-elle si intuitive ? Peut-on déporter toutes les activités de recrutement dans un CSP connaissant le caractère coûteux et sensible voire risqué de cette pratique de GRH ? Quelles seraient les motivations d'un tel choix d'organisation pour la gestion du recrutement ? Quels risques et quels écueils éviter lors de sa mise en place ?
Mettre en place un CSP Recrutement : une opportunité à nuancer en fonction des activités du Recrutement
La mise en place d'un CSP Recrutement vise à doter l'entreprise d'une infrastructure capable de :
Bien entendu, il n'est pas question de centraliser l'ensemble des activités du recrutement dans un CSP, mais plutôt de construire un modèle hybride où certaines activités seraient centralisées, tandis que d'autres resteraient au sein des métiers. Une étude d'opportunité détaillée doit permettre d'identifier le bon compromis, qui dépend éminemment de l'entreprise, de ses besoins, de sa culture et de ses spécificités.
La figure ci-dessous est une représentation des grandes étapes du processus de recrutement :
De façon générale, les activités pour lesquelles la centralisation peut présenter une opportunité sont essentiellement les activités liées à la recherche des candidats et à la gestion des entretiens :
L'opportunité de centraliser tout ou partie de ces activités dans un CSP est réelle dans la mesure où les recruteurs peuvent consacrer moins de temps à la réalisation de tâches administratives. Ils sont alors plus à même de se positionner comme des « business partners » en apportant aux Directions Métiers et aux entités :
La mise en place d'un CSP Recrutement est en outre susceptible d'apporter les bénéfices suivants :
La réduction des coûts est une motivation fréquente pour la mise en place d'un CSP. Toutefois il faut se demander quel est le potentiel réel de réduction des coûts lié à la mise en place d'un CSP Recrutement. Afin de répondre à cette question, nous avons adopté la démarche suivante :
1. Décomposition du macro-processus de recrutement en 17 activités.
2. Valorisation des activités du processus.
3. Affectation de chaque activité du processus de Recrutement soit à une catégorie dite « Front Office », soit à une catégorie dite « Back Office ».
4. Calcul du « poids » de chaque catégorie (Front Office et Back Office) dans le coût global du processus de recrutement.
Selon nos estimations, les activités de la catégorie « Back Office » représentent environ 20% du coût global du processus de Recrutement. La réduction des coûts induite par la mise en place du CSP ne porterait donc que sur 20% du coût global du processus de recrutement.
Le tableau ci-dessous détaille l'ensemble de notre analyse :
L'interprétation de ces données ne saurait être effectuée sans garder à l'esprit que :
De façon générale, les nombreuses expériences de mise en place de CSP déjà menées (CSP Comptabilité, CSP Paie) permettent d'identifier des risques et des facteurs clés de succès qui sont transposables aux CSP Recrutement. Parmi les risques, citons notamment : la rupture organisationnelle et opérationnelle, les inquiétudes liées aux aspects sociaux (éventuel plan social, formation du personnel, ...), la complexité de gestion des multiples contraintes légales à prendre en compte, le délai de mise en oeuvre et de retour sur investissement du CSP.
Plusieurs facteurs clés de succès permettent de réduire ces risques :
De façon plus spécifique au Recrutement, c'est le caractère éminemment « local » des processus qui constitue la principale difficulté pour la mise en place d'un CSP, puisqu'il constitue un frein à l'harmonisation des pratiques et des outils. Ce caractère « local » peut s'exprimer à plusieurs niveaux :
Le périmètre du CSP Recrutement doit prendre en compte cette diversité. S'il paraît encore très ambitieux d'envisager un CSP Recrutement à l'échelle internationale (contraintes linguistiques et fuseaux horaires), un CSP qui mutualiserait des activités de Recrutement entre plusieurs filiales ou Directions Métiers au sein d'un même pays peut au contraire s'avérer opportun dans un premier temps.L'opportunité de mettre en place un CSP Recrutement n'est pas intuitive, et le périmètre des activités susceptibles d'être déportées dans un CSP nécessite une analyse détaillée intégrant plusieurs dimensions : culture de l'entreprise (propension à l'outsourcing, aversion au risque,...), priorités, diversité des métiers, niveau d'internationalisation, niveau de maturité et de mutualisation des pratiques et des outils de l'entreprise en matière de recrutement. Toutefois, les activités liées à la recherche des candidats et à la gestion des entretiens semblent les plus à même d'être déportées dans un CSP.
Si l'opportunité économique liée à la mise en place d'un CSP Recrutement n'est pas évidente en première analyse, il apparaît néanmoins que la mise en place d'un tel CSP contribue à l'optimisation du ratio « coût du recrutement / adéquation du recrutement au besoin de l'entreprise », notamment parce qu'il libère les recruteurs d'une partie de leurs tâches administratives, leur permettant ainsi de se positionner en véritables « Business Partners » auprès des Directions Métiers. Or c'est bien ce ratio que l'on cherche à optimiser, et non pas le seul « coût du recrutement ».