La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Cela fait maintenant plusieurs mois que les DRH, et en particulier les responsables formation, entendent parler des MOOC (« Massive Open Online Courses »), sous toutes leurs formes : COOC quand ils sont « Corporate », SPOC lorsqu'on les dispense à des groupes « Small et Private », etc.
La liste des déclinaisons est longue, et au-delà de l'effet de mode d'une dénomination ou d'une autre, ces dispositifs mixtes, ouverts, plus ou moins massifs deviennent un incontournable du schéma de formation des DRH. La question n'est donc plus « MOOC or not MOOC ? », mais bien de s'interroger sur la façon concrète d'intégrer ces nouveaux formats au plan de formation des entreprises.
La première étape est de se focaliser sur les plateformes les plus performantes et proposant le contenu le plus adapté aux besoins de votre entreprise. Sia Partners en a identifié 3 particulièrement pertinentes :
Un panorama exhaustif des plateformes existantes est disponible ici, et les 2 blogs spécialisés MissMOOC et Educpro proposent également des comparatifs détaillés.
Les MOOC étant organisés sous formes de sessions planifiées, il est essentiel de réaliser une veille régulière sur les plateformes choisies afin d'identifier et communiquer sur les MOOC que vous souhaitez recommander avant leur date de lancement. Une veille bi-mensuelle est suffisante pour ne pas passer à côté d'opportunités, d'autant que de plus en plus de MOOC peuvent être suivis sans date de démarrage fixe. Le nombre de MOOC existant peut paraître intimidant voire décourageant, mais un processus de choix rigoureux permettra d'en identifier moins d'une dizaine réellement alignés avec les besoins d'une entreprise. La 1ère étape de sélection est donc d'identifier ces besoins de formation, qui peuvent être :
A ce 1er tri, il faut ajouter un 2nd niveau de sélection, portant sur la pédagogie des MOOC identifiés par rapport aux contraintes et aux caractéristiques de la cible potentielle d'apprenants dans l'entreprise. En effet, les MOOC actuellement développés nécessitent de s'investir sur plusieurs semaines, et réclament en moyenne 3 ou 4 heures de travail personnel hebdomadaire. Ils sont souvent destinés à des étudiants, et donc trop académiques, généralistes, ou techniques. Une bonne pratique pour y remédier est donc d'effectuer un test préalable sur le 1er module afin d'éliminer les MOOC inadaptés. Si les RRH peuvent aisément détecter les MOOC chronophages, ou trop académiques en termes de pédagogie, il est nécessaire de coupler cette démarche à celle d'un employé pilote capable de juger du contenu, notamment sur des sujets techniques.
Un arbitrage et une réflexion sont également à faire concernant le statut de ces MOOC : sont-ils recommandés, ou intégrés dans le plan de formation ? Il faut en effet composer avec une sensibilité forte, spécifique à la France, sur le sujet du temps de formation hors temps de travail. Si les cadres sont responsables de la gestion de leur planning, et donc de l'intégration de leur temps de formation dans leur agenda, ce n'est pas le cas pour les agents, pour qui un temps spécifique de formation doit être aménagé si celle-ci est faite à la demande de l'employeur. Les instances représentatives du personnel, particulièrement alertes sur le développement des usages digitaux et les dérives potentielles qui en découlent, sont également réticentes à l'idée que la formation professionnelle soit faite sur un terminal personnel. Or, de nombreux agents d'exécution ou de maîtrise, et même des cadres n'ont pas de terminaux professionnels à leur disposition pour réaliser des MOOC. Le choix d'inscrire les MOOC dans le plan de formation, ou de simplement les recommander, est donc fortement impactant en termes réglementaires et en termes de gestion des temps et des activités, compte-tenu du temps d'investissement personnel requis.
Le 3ème critère de sélection d'un MOOC est sa capacité à s'insérer harmonieusement dans le parcours de formation existant. Il est essentiel d'éviter un effet patchwork qui décrédibiliserait les chargés de formation. Pour cela, le MOOC choisi doit être inscrit dans le parcours de formation comme approfondissement d'un module existant ou comme complément, et doit être valorisé dans la courbe de progression et de montée en compétences. Il faut donc que la participation au MOOC soit objectivée au même titre que n'importe quelle autre formation existante dans le plan de formation. La réforme de la formation professionnelle a en effet assoupli la définition d'une action de formation, ouvrant le champ aux MOOC et aux autres initiatives novatrices.
Cette démarche de sélection, probablement fastidieuse les premières fois, est toutefois rapidement rentabilisée par l'enrichissement du plan de formation existant à moindre frais, et la modernisation perçue et réelle du parcours de formation.
Il existe un annuaire de tous les MOOC en français, très utile pour commencer ses recherches. Nous recommandons également la sélection des 50 MOOC incontournables réalisée par Challenges. Le Monde, le Figaro et l'Express publient également régulièrement des sélections de MOOC, à la rentrée scolaire en Septembre ou sur des thématiques précises comme l'entreprenariat.
Un MOOC doit pouvoir trouver sa valeur aux yeux non seulement des apprenants, mais aussi du management et de la Direction, afin d'être réellement considéré comme une brique au service du développement des compétences et de l'employabilité des collaborateurs. Cette valorisation implique une reconnaissance et un certain nombre d'indicateurs de succès qui ne sont actuellement pas encore structurés, ce qui constitue un des questionnements actuels sur les MOOC.
Les MOOC, une aubaine à valoriser dans le cadre de la nouvelle réglementation sur la formation professionnelle
Les badges et certificats de réussite, au coeur du business model des MOOC, se développent au fur et à mesure que les plateformes de MOOC perfectionnent les moyens de contrôler la présence et l'identité de l'apprenant. Certains tirent leur valeur du prestige de l'établissement qui les délivrent, d'autres permettent de valider des crédits universitaires. Nombre de ces certificats rentrent dans le cadre des formations certifiantes éligibles au CPF : RNCP, inventaire des certifications, CQP/CQPI, VAE. Pour s'en assurer, il est toutefois nécessaire de se reporter au Décret n° 2014-935 du 20 août 2014 relatif aux formations ouvertes ou à distance. Il s'agit de vérifier d'abord si la formation envisagée figure sur les listes éligibles au CPF. Ensuite, il faudra vérifier que l'organisme remplit les conditions posées par le certificateur, ce qui est évident pour les MOOC proposés par des écoles, mais ce n'est pas le cas de tous les MOOC.
La réforme de la formation professionnelle en cours de déploiement dans les entreprises implique le suivi du pourcentage de salariés certifiés, car les stages de formation inclus dans le DIF ont été remplacés par des formations certifiantes via le CPF (Compte Personnel de formation) . Les salariés, rendus acteurs du développement de leurs compétences, devront trouver des formats de formation moins onéreux que les stages classiques pour rester dans la limite des 120 heures de CPF, mêmes abondées. Les MOOC sont une des réponses à ces enjeux, car ils facilitent l'autodidactie des salariés et délivrent souvent des certifications, moyennant une faible contribution (entre 30 et 150€). Peu d'offres de formation existantes peuvent se targuer de délivrer une certification en moins de 120 heures, ce qui constitue un argument de poids en faveur des MOOC. La loi ne fixe pas de contrainte directe dans l'offre de formation, mais les entreprises qui voudront profiter de la réforme devront transformer les stages de formation en parcours qualifiants ou certifiants, et digitaliser leur offre.
Maximiser la participation aux MOOC en animant leur communauté, un facteur clé de succès
Plusieurs études ont mis en évidence le principal écueil des MOOC, à savoir un taux de déperdition dépassant les 90%. En effet, si le nombre d'inscriptions aux MOOC est impressionnant, le nombre de personnes qui reste jusqu'au bout est très faible, et le pourcentage de ceux qui réussissent l'examen oscille entre 3 et 5% selon les études.
Un tel taux de déperdition n'est pas envisageable dans le cadre d'un plan de formation en entreprise. Pour exploiter le potentiel de ces outils, outre une sélection exigeante et méthodique des MOOC proposés, il est indispensable que l'entreprise s'implique dans le processus d'animation continue, par exemple via un formateur animateur. Celui-ci a pour rôle de faire le lien entre le MOOC, les valeurs de l'entreprise, et le quotidien opérationnel du collaborateur, pour ainsi le motiver à contribuer activement. Il a également un rôle d'accompagnement en cas de difficultés, et d'amélioration continue en exploitant les retours sur les MOOC. Cela lui permet d'orienter le choix des MOOC avec de plus en plus de pertinence, et éventuellement de redistribuer le savoir acquis par les apprenants. Enfin, son rôle le plus important consiste à animer la communauté des apprenants sur chaque MOOC, même s'ils ne sont pas nombreux. Cela maximise les bénéfices du MOOC en créant du lien entre employés partageant un intérêt commun, qui vont s'entraider et se motiver mutuellement grâce à la mise en relation et à l'animation effectuées par le formateur. Les créateurs de MOOC ont déjà compris l'importance de cette dimension sociale, comme en témoigne le développement rapide des systèmes de co-évaluation : l'évaluation par les autres apprenants, nécessairement accompagnée d'échanges et d'explications croisées. Celui-ci pourra par exemple organiser des rencontres en présentiel entre apprenants pour qu'ils échangent sur le MOOC qu'ils suivent. Ce formateur animateur doit donc être formé au community management, un rôle sensiblement différent de celui de formateur classique. Ainsi, il sera en mesure d'accompagner l'engagement des collaborateurs. Le développement de ces compétences nouvelles et de ces nouvelles façons de former peut également passer par des MOOC ! En effet, de nombreux MOOC sur la formation digitale et collaborative existent.
Si l'entreprise décide ensuite de créer son propre MOOC, cet animateur formateur aura acquis les compétences nécessaires à l'animation du MOOC interne, et pourra être impliqué dès la phase de création.
Aux Etats-Unis, où l'inscription à l'université implique de s'endetter pour des années, l'alternative gratuite du MOOC a encore de beaux jours devant elle. En effet, les Universités américaines ont les moyens de financer des MOOC, et les étudiants sont preneurs de ces formations à moindre coût. Le phénomène MOOC, tiré par ces avancées outre-mer, séduit de plus en plus d'institutions et d'entreprises françaises. Cette tendance est une réelle opportunité pour enrichir les plans de formation des entreprises, à condition de procéder à l'insertion des MOOC avec beaucoup de rigueur. La démarche étant très engageante pour l'employé, le risque d'abandon ou de désengagement est fort, c'est pourquoi l'investissement en community management est primordial. Le monde des MOOC est en train de s'adapter à celui de l'entreprise, et devrait rapidement proposer des options reflétant les cultures d'entreprise, avec des formats plus courts, des contenus plus proches des connaissances et compétences professionnelles, et des modalités financières et réglementaires séduisantes par rapport aux enjeux et aux contraintes des chargés de formation. Les grandes entreprises françaises qui ont déjà sauté le pas, comme Orange ou la Société Générale, se font accompagner d'experts techniques pour créer les MOOC, mais surtout d'experts en animation, pour que le basculement de culture et de mode de formation soit compris et intégré harmonieusement dans l'entreprise. Ces experts transmettent ensuite leurs compétences, en co-construisant avec les contributeurs en internes.